Response Conseil d’examen du prix des médicaments brevetés, Gazette du Canada Partie I

Posted: 02-13-2018 - 02-13-2018

Le 13 février 2018

 

Madame Karen Reynolds

Directrice générale,

Bureau des stratégies de gestion des produits pharmaceutiques

Direction générale de la politique stratégique, Santé Canada

10e étage, immeuble Brooke Claxton

70, promenade Colombine, pré Tunney

Ottawa (Ontario) K1A 0K9

 

Objet : Réaction à la proposition d’amendement à la réglementation du CEPMB

 

Madame Reynolds,

La Coalition canadienne des organismes de bienfaisance en santé est heureuse de réagir aux amendements proposés au Règlement sur les médicaments brevetésdans la Partie I de la Gazette du Canada. De la rétroaction plus précise est fournie dans la soumission ci-jointe.

La Coalition canadienne des organismes de bienfaisance en santé est un organisme fondé sur l’adhésion composé de 27 organismes nationaux en santé qui représentent la voix des patients dans tout le continuum de soins de santé. Les organismes de bienfaisance que représente la Coalition travaillent à renforcer la voix des Canadiens, des patients et des proches aidants, et collaborent dans le but d’améliorer les politiques en matière de santé et d’augmenter les investissements dans la recherche en santé. L’accès aux médicaments est une question importante pour nos membres ainsi que pour tous les Canadiens que nous desservons ensemble.

Nous aimerions aujourd’hui attirer votre attention sur les quatre points qui suivent concernant la démarche de consultation, l’impact et les résultats potentiels pour les patients qu’entraînerait la modernisation du Règlement telle que proposée.

1.      Principes directeurs

L’accès aux médicaments est une question importante pour tous les membres de la Coalition canadienne des organismes de bienfaisance en santé et les Canadiens qu’ils représentent. La modernisation du Règlement sur les médicaments brevetés s’inscrit dans le plan du gouvernement fédéral d’améliorer « l’abordabilité, l’accessibilité et l’usage approprié des médicaments d’ordonnance au Canada ». Or, les membres de la Coalition ont cerné les quatre principes directeurs ci-dessous en ce qui concerne l’accès aux médicaments pour éclairer le plan gouvernemental, dont la modernisation du Règlement sur les médicaments brevetés.

Partenariat avec les patients — Les amendements au Règlement sur les médicaments brevetésdoivent être établis, surveillés et évalués en partenariat avec des patients afin d’assurer que les bonnes personnes reçoivent les bons médicaments, au bon moment, et à bon prix.

Qualité — Les Canadiens méritent des services et pharmacothérapies de grande qualité aptes à combler leurs besoins, qui respectent leurs choix individuels et qui leur sont fournis de façon sécuritaire, efficace et en temps opportun, conformément aux connaissances les plus récentes.

Équité — Tous les Canadiens devraient avoir un accès équitable à une vaste gamme de médicaments éprouvés afin qu’ils puissent combler leurs besoins en matière de santé, quels que soient leur lieu de résidence, leur contexte de soins ou leur état de santé.

Viabilité — Le Règlement sur les médicaments brevetés doit être fondé sur les faits, adéquatement financé, rentable pour les gens et un élément durable du système de santé qui sera continuellement révisé, évalué et amélioré.

Nous sommes d’avis que des solutions réfléchies pour améliorer l’accès aux médicaments pour les Canadiens pourraient découler de l’application de ces principes directeurs. La Coalition applaudit à Santé Canada et au Conseil d’examen du prix des médicaments brevetés (CEPMB) pour leur volonté de moderniser le Règlement sur les médicaments brevetésqui date déjà de 20 ans pour assurer l’adoption d’outils réglementaires efficaces et pertinents, tout en restant conscients de l’apparition continuelle de thérapies novatrices au Canada.

2.      Trouver le juste équilibre

Le mandat du CEPMB est de protéger les intérêts des Canadiens en assurant que les médicaments brevetés ne sont pas vendus à des prix excessifs. Un prix abordable pour les médicaments est important, quoiqu’on ne puisse isoler cet objectif des autres — un accès adéquat aux produits pharmaceutiques, p. ex. Or, la Coalition craint que les amendements proposés pourraient avoir des conséquences négatives sur les délais d’accès aux médicaments pour les patients canadiens.

Des médicaments à prix abordable n’améliorent pas les résultats de santé des gens si ces produits ne sont jamais lancés sur le marché canadien. La nouvelle réglementation pourrait avoir une incidence considérable sur la façon dont le Canada se compare à la médiane de l’échantillon proposé de douze pays de l’OCDE (CEPMB12). D’un premier coup d’œil, on peut croire à des coûts plus faibles aux points de vente, mais des conséquences imprévues qu’on ne soupçonne pas présentement sont toutefois très préoccupantes. Comment ces changements affecteront-ils la période de temps qu’il en faut pour que de nouveaux médicaments atteignent le marché canadien, ou encore, le choix de notre pays en ce qui concerne les investissements dans la recherche et les essais cliniques par des entreprises étrangères?

Une analyse approfondie des coûts réels associés aux changements proposés est vivement conseillée. Les intervenants étroitement touchés par ces décisions doivent se mobiliser et participer à un dialogue constructif pour tenter de cerner les façons dont le Canada pourrait consolider sa position de chef de file en matière d’accès à des médicaments à prix abordable pour sa population. Nous encourageons fermement le gouvernement fédéral à repousser la mise à jour du Règlement sur les médicaments brevetés jusqu’à ce qu’on puisse comprendre la pleine mesure des conséquences qu’elle pourrait entraîner, et jusqu’à ce que des solutions soient définies pour parer aux risques cernés.

 3.      Lacunes dans les évaluations pharmacoéconomiques pour les patients

Étant donné l’intégration de nouveaux facteurs économiques, le CEPMB aura recours aux évaluations pharmacoéconomiques déjà utilisées par l’Agence canadienne des médicaments et des technologies de la santé (ACMTS) afin de déterminer la valeur clinique et le rapport coût-efficacité de médicaments. Cette méthode proposée constituera un des facteurs utilisés pour fixer les prix plafonds de médicaments. Or, cela préoccupe de nombreux organismes de la santé et groupes de patients, puisque les évaluations effectuées au moyen de l’indice d’années de vie ajustées en fonction de la qualité (AVAQ) ne tiennent pas compte de paramètres de mesure pourtant importants aux yeux des patients, comme la fréquence d’administration d’un médicament et certaines mesures de la qualité de vie.

Les évaluations AVAQ ne procurent pas de résultats favorables pour les patients qui sont atteints de maladies rares — les maladies orphelines. Lorsqu’on utilise l’indice AVAQ, les pharmacothérapies pour maladies orphelines sont habituellement considérées comme présentant un piètre rapport qualité-prix, et ne font pas l’objet de données à long terme sur la sécurité et l’efficacité, lorsqu’on les compare aux autres médicaments plus généralement utilisés. Or, cela découle d’une limite de la méthode, et non des médicaments eux-mêmes. Si le CEPMB se fie aux mêmes méthodes que l’ACMTS, on peut s’attendre à ce que les prix plafonds soient fixés à des niveaux qui nuiront encore davantage à l’accès et àla disponibilité. Nouscraignons que la mise en œuvre du Règlement ne fera qu’élargir le manque d’équité et d’accès pour les Canadiens, et nous recommandons fermement que les évaluations pharmacoéconomiques ne soient pas considérées comme nouveau facteur réglementaire.

 4.      Réaffirmation de l’engagement envers la consultation

La Coalition canadienne des organismes de bienfaisance en santé et ses membres ont été ravis de fournir leurs commentaires et leur rétroaction dans le cadre des consultations du CEPMB, en juin. Notre participation à cet exercice prenait appui sur la prémisse que la perspective de tous les intervenants serait considérée et valorisée. Le site Web du CEPMB indique en effet que ce dernier « s’engage à être à l’écoute des préoccupations et des opinions de la population canadienne, et à tenir compte de ces points de vue dans le cadre de son processus décisionnel. La participation efficace et significative des intervenants est essentielle à la réalisation du mandat du CEPMB, ainsi qu’à la prestation de programmes, au lancement de nouvelles initiatives, et au développement de la confiance.[1] » Mais après avoir présenté une liste exhaustive de recommandations en juin, nous avons été affreusement déçus de voir que notre rétroaction fort étoffée avait été réduite à un résumé d’un paragraphe dans la Gazette, et qu’aucun changement notable n’avait été apporté aux amendements proposés à la lumière de la rétroaction fournie.

Nous sommes d’avis que cette façon de faire ne respecte pas l’esprit de l’intention préalablement formulée, c’est pourquoi nous demandons au gouvernement du Canada de s’engager à :

a)       établir un mécanisme formel pour inclure de façon significative et systématique les représentants des patients et autres intervenants clés dans la prise de décisions et les démarches entourant la mise à jour de la réglementation;

b)      assurer que les mises à jour subséquentes du Règlement sur les médicaments brevetésseront entreprises d’une manière entièrement transparente qui décrira clairement la nature des changements, qui diffusera publiquement toute l’information pertinente, et qui donnera aux intervenants suffisamment de temps pour offrir leur rétroaction, discuter et échanger dans le cadre de la démarche décisionnelle.

Nous sommes impatients de poursuivre avec vous le dialogue sur l’accès, la disponibilité et le prix abordable des médicaments au Canada, un dialogue réel nécessitant évidemment la participation d’au moins deux parties. Nous vous remercions de bien vouloir considérer notre rétroaction.

Veuillez recevoir, Madame Reynolds, l’assurance de nos sentiments les meilleurs.

Connie Côté

Directrice générale

Coalition canadienne des organismes de bienfaisance en santé

 

c.c. :     L’honorable Ginette Petitpas Taylor, c.p., députée

                L’honorable Navdeep Bains, c.p., député